Des pages et des îles

Pour trois couronnes de François Garde

Résumé :
Dans le bureau de feu Thomas Colbert, un magnat du commerce maritime, Philippe Zafar, le jeune préposé au classement des archives, découvre un bref texte manuscrit, fort compromettant pour celui qui s’en avérerait l’auteur.

On retrouve dans ce roman d’aventures, déployé sur un siècle et trois continents – de l’Amérique du Nord aux tropiques –, l’écriture vive et talentueuse de François Garde dont le précédent livre, Ce qu’il advint du sauvage blanc, a été récompensé par huit prix littéraires, parmi lesquels le prix Goncourt du premier roman.

Mon avis :

J’ai découvert François Garde grâce à Babelio et les éditions Folio pour lesquels j’ai chroniqué Ce qu’il advint du sauvage blanc. Ce texte m’a emballée.

Dans ce second roman, j’ai retrouvé l’aventure, l’exotisme, la quête d’identité avec un nouvel ingrédient : une enquête.

Le protagoniste, Philippe Zafar est « curateur aux documents privés », métier qui consiste à trier les papiers d’un mort pour simplifier les tâches des héritiers. Une lettre retrouvée lors d’un classement le conduit à rechercher le fils du disparu.

Son enquête le mène dans plusieurs pays et plus particulièrement sur une île tropicale,ancienne colonie française, où le disparu est passé. Son enquête remue aussi ses propres souvenirs d’enfance. Libanais d’origine, élevé aux États-Unis, la disparition de son père est entourée de mystère. Les recherches sur la jeunesse de Thomas Colbert lui donnera-t-il des clefs pour comprendre ses origines ? A découvrir lors de votre lecture …

Comment classer ce livre ? Un mélange de genre : à la fois enquête, aventure, réflexion sur la filiation.

Les points forts : l’ambiance, l’écriture classique et irréprochable.

Tout cela donne un récit impeccable mais qui s’essouffle au milieu du roman : les digressions de l’auteur sur les recherches numismatiques ou les descriptions d’évènements historiques sur l’ile apportent peu à l’histoire et génèrent une part d’ennui pour le lecteur.

Intéressant mais pas palpitant, après la découverte de son premier roman un peu de déception donc.

A vous de décider maintenant.

 

Notation :

Qu’avons-nous fait de nos rêves de Jennifer Egan

D’abord un grand merci aux éditions Points qui m’ont fait parvenir ce roman dans le cadre de la sélection du meilleur roman 2014.

Biographie:

Jennifer Egan, née en 1962, est l’auteur de plusieurs romans, La parade des anges (Belfond, 1996), L’envers du miroir (Belfond, 2003), The Keep et d’un recueil de nouvelles Emerald City. Ses nouvelles sont parues dans le New Yorker, Harper’s Magazine, GQ, Zoetrope et Ploughshares, et ses récits sont souvent publiés dans le New York Times Magazine. Elle remporte en 2011 le Pulitzer ainsi que le National Book Critics Circle Award avec Qu’avons-nous fait de nos rêves ?

Mon avis :

Voici le portrait d’une bande de quadras californiens désenchantés.

Les personnages principaux Sasha et Bennie collectionnent les névroses et sont nostalgiques. Depuis leur jeunesse dans les années 70, la vie s’est chargée de doucher leurs illusions.

Roman choral qui décrit la vie de Sasha cleptomane compulsive, celle de Bennie producteur de musique ancien bassiste dans un groupe punk. Nous découvrons aussi Stéphanie l’ex femme de Bennie, Dolly une conseillère en image qui a fait faillite et Rob un écrivain qui tente de se suicider.

Tous sont en décalage avec la réalité et surtout loin de leurs espoirs de jeunesse.Qu’est-ce qui a raté ? L’envie du pouvoir ? L’argent ? L’attrait de la célébrité ?

Très enthousiastes au départ, leurs faiblesses et désillusions chamboulent leur vie : trouver son équilibre dans son existence, c’est si difficile.

Les personnages ne sont pas assez attachants et trop superficiels pour la plupart.

Le côté puzzle de la construction du livre nous pousse à tourner plus vite les pages dans l’attente de la finalisation de l’histoire. En même temps, le mélange des époques, des styles et une chronologie absente compliquent ce récit.

Déroutant aussi l’encart type PowerPoint, qui sur une dizaine de pages présente des tableaux et graphiques, ne présentent pas d’intérêt pour l’histoire

C’est un roman intéressant mais non incontournable.

Vous l’aurez compris, je n’y ai pas pris un grand plaisir.

A vous de voir maintenant.

 

Notation :

L’ile sous la mer d’Isabel Allende

L’auteur : Isabel Allende, bien que Chilienne, est née en 1942 à Lima au Pérou, où son père occupa un poste diplomatique.

Elle abandonne le Chili après le coup d’état qui, en 1973, renversa son oncle, le Président Salvador Allende. des milliers de Chiliens meurent assassinés dès les premiers jours du coup d’état. D’autres sont emprisonnés, et nombreux sont ceux qui disparaissent durant la dictature du général Augusto Pinochet. De nombreux Chiliens se verront obligés de suivre le chemin de l’exil. Isabel Allende fait partie de ceux-là. Elle s’exile à Caracas au Venezuela.

Elle fait de la télévision, écrit des chroniques journalistiques sur différents sujets, mais aussi des oeuvres de théâtre et des contes pour enfants.

Puis elle se lance dans le roman et va publier successivement, « La casa de los espíritus » (La maison aux esprits – 1982), « De amor y de sombra » (D’amour et d’Ombre – 1984), « Eva Luna » (1987), « Los cuentos de Eva Luna » (1988), « El plan infinito » (1991), « Paula » (1994), « Afrodita » (1998), « Hija de la fortuna » (1999).

Mon avis :

Dépaysement, exotisme, découvertes historiques sont les principaux ingrédients de ce texte.

Voici donc une grande fresque historique sur fond de révolte d’esclaves dans laquelle Isabel Allende bâtit une histoire basée sur les origines d’Haiti, première république noire indépendante.

Un souffle épique traverse ce roman difficile à lâcher une fois entamé.

Les personnages fouillés et attachants contribuent à l’intérêt de la lecture.

L’histoire de Zarité est tellement émouvante. Petite esclave de 9 ans, elle débarque dans une plantation de Saint-Domingue pour être au service de la femme du propriétaire. Sa maîtresse, une espagnole aura bien du mal à s’habituer au climat tropical de l’ile. Zarité, bien que toute jeune, sera sa confidente et la seule à être proche d’elle.

Mais tout cela n’est que le début de l’histoire qui démarre avant la révolution française et se prolongera sur plus de trente ans.

C’est une période pleine de troubles évoquée dans ce roman : la révolution française, le soulèvement des esclaves, les guerres napoléoniennes et le combat des abolitionnistes.

Je conseille ce livre aux amateurs de fresques historiques.

Bien documenté et écrit avec une belle plume fluide, la lecture est agréable et l’intrigue bien construite nous tient en haleine jusqu’au bout.

A découvrir donc.

 

 

Notation :

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? Jeannette Winterson

D’abord un grand merci aux éditions Points qui m’ont fait parvenir ce roman dans le cadre de la sélection du meilleur roman 2014.

Un roman qui a déjà obtenu le prix Marie-Claire 2012.

Extrait : C’est vrai, les histoires sont dangereuses, ma mère avait raison. Un livre est un tapis volant qui vous emporte loin. Un livre est une porte. Vous l’ouvrez. Vous en passez le seuil. En revenez-vous ?

Roman ou autobiographie ? Plutôt une autobiographie puisque l’auteure raconte son enfance et ses rapports avec sa famille d’adoption. Le personnage central est sa mère que l’on peut dépeindre comme une « Folcoche » à la Hervé Bazin.

Récit d’un combat, des tentatives de survie dans un milieu si hostile. Comment évoluer dans une maison où les romans sont interdits ?

Histoire d’une quête du bonheur qui passe par la littérature : Jeanette évolue et survit grâce aux livres.

Les interdits et souffrances imposės par sa mère vont forger son caractère. La lecture lui permet de se libérer du joug maternel, son opiniâtreté et son intelligence la mèneront à étudier à Oxford.

Jeannette dévore les livres : elle décide de lire tous les auteurs de sa bibliothèque en commençant par « A » puis continue en suivant l’alphabet mais se heurte à un auteur dont la lettre commence par « N » et qui la rebute. Je vous laisse découvrir de quel auteur il s’agit.

A seize ans, Jeanette quitte son foyer et sa mère lui balance la phrase qui est devenue le titre de ce récit : pourquoi être heureux quand on peut être normal ? Quelle incongruité !

Pas d’apitoiement dans ces mémoires, plutôt la démonstration d’une émancipation durement gagnée. Sauvée par les livres et la culture, son cheminement impressionne le lecteur.

Un beau livre que je conseille à tous : un texte émouvant, sans pathos, en résumé un plaidoyer pour la liberté de pensée.

 

Notation :

L’invention de nos vies de Karine Tuil

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Quatrième de couverture :
Sam Tahar semble tout avoir : la puissance et la gloire au barreau de New York, la fortune et la célébrité médiatique, un « beau mariage »…
Mais sa réussite repose sur une imposture. Pour se fabriquer une autre identité en Amérique, il a emprunté les origines juives de son meilleur ami Samuel, écrivain raté qui sombre lentement dans une banlieue française sous tension. Vingt ans plus tôt, la sublime Nina était restée par pitié aux côtés du plus faible. Mais si c’était à refaire ?
À mi-vie, ces trois comètes se rencontrent à nouveau, et c’est la déflagration…
«Avec le mensonge on peut aller très loin, mais on ne peut jamais en revenir» dit un proverbe qu’illustre ce roman d’une puissance et d’une habileté hors du commun, où la petite histoire d’un triangle amoureux percute avec violence la grande Histoire de notre début de siècle.

Biographie :
Karine Tuil est l’auteur de neuf romans parmi lesquels Tout sur mon frère (2003), Quand j’étais drôle {2005), Douce France (2007), La Domination (2008) et Six mois, six jours (2010), tous publiés chez Grasset.

Mon avis :
Un roman fort et dur sur les conséquences du mensonge. Un vrai suspense et une fine analyse des comportements de chacun des trois personnages principaux emportés dans un tourbillon incontrôlable.
L’intrigue est très bien ficelée et tient en haleine jusqu’au bout.
Trois personnages principaux : Samir, Samuel et Nina. Les deux garçons étudiants sont amoureux de Nina. Samir est ambitieux, rejeté par Nina, il va se réfugier dans ses études et veut réussir à tout prix. Pour oublier aussi son chagrin. Mais voilà, avec un prénom comme Samir, son CV n’accroche pas. Il se décide alors à enlever deux lettres, de devenir Sam et de ressembler à Samuel son ancien ami. Le jeune musulman devient juif aux yeux du monde, à partir de là, son destin bascule.
Sam est embauché dans un grand cabinet d’avocats et réussit très bien à New York.

Pourtant en France, sa mère, son demi-frère et ses deux anciens amis poursuivent une vie médiocre.
Comment Sam va-t-il gérer l’arrivée d’évènements qui vont bouleverser sa vie américaine ? Est-il complètement heureux puisqu’il ment à tous même à sa mère ?
Rassurez-vous, je ne vous raconterai pas le reste de l’histoire et je vous laisse la découvrir …

Pourquoi le lire : pour l’audace de l’histoire, pour la tension permanente et la vision de notre société.
Petits bémols : une écriture agréable mais parfois hachée, avec des « / » entre plusieurs mots pour donner un rythme, assez déroutant pour moi. Certaines situations sont assez caricaturales.

À lire pour les passionnés d’histoires fortes avec du rythme et du fond.

Dédicace : merci à la Médiathèque de Troyes pour ces choix toujours judicieux.

Notation :