Des pages et des îles

Après minuit de Irmgard Keun

 

Un texte écrit en 1937 par un écrivain allemand et oublié ensuite.

D’abord intéressée par le texte et l’histoire, j’ai vite été déçue et le livre m’est même tombé des mains.

Pourquoi cette constatation lapidaire ? Mon commentaire devrait l’éclairer.

L’histoire : Suzon, l’héroïne raconte une succession d’anecdotes sur son quotidien dans cette Allemagne des années 30 déjà peuplée de SS. Les gens ordinaires qui l’entourent, adulent Hitler et suivent très attentivement toutes les recommandations données par le pouvoir. Est-il possible d’y échapper d’ailleurs ?

La violence monte dans l’indifférence générale

Suzon, orpheline à 16 ans, se retrouve chez sa tante à Cologne et fréquente Franz son cousin puis elle rejoint Algin son frère ainé. Celui-ci partage sa vie avec une femme aux mœurs légères; Suzon découvre alors une jeunesse privilégiée et liée aux artistes en vogue. En face de ces jeunes, des militaires qui appliquent les consignes du pouvoir hitlérien : attention donc à certains propos pouvant conduire ensuite à des dénonciations et interrogatoires. Suzon comprend alors les dangers qui l’entourent.

Ce qui impressionne dans cet ouvrage, c’est la description du climat qui régnait avant-guerre en Allemagne. Des gens ordinaires deviennent nazis très naturellement. Le peuple chante les hymnes, trinque à la santé du pouvoir dans une ambiance festive.

La lâcheté et méchanceté des uns au travers des dénonciations, fait aussi leur bonheur en leur assurant un bon avenir.

L’antisémitisme monte et certaines paroles deviennent des menaces pour ceux qui tentent de s’opposer à cette montée de violence.

Malgré ce climat si bien traduit, je n’ai pas adhéré à l’histoire qui est une succession d’anecdotes sur la vie quotidienne qui ont fini par m’ennuyer. Pas de rythme dans ce roman et une écriture un peu simple, décevante également.

Pour ces raisons, le livre m’est tombé des mains.

J’avais tant aimé, dans un registre proche, le livre «Inconnu à cette adresse» de Kressmann Taylor, qui est aussi une plongée dans la période d’avant-guerre et la montée du nazisme. L’émotion est tellement présente dans le livre de Kressman Taylor alors qu’elle est inexistante dans «Après minuit».

Je vous livre un extrait : « Oui, sans doute, ma vie ici est un enfer, dit Heini, grave et calme, mais que faire à l’étranger ? /…/ J’ai aimé les hommes ; pendant plus de dix ans je me suis usé les doigts à écrire, je me suis creusé la tête pour mettre en garde contre cette folie de barbarie que je sentais venir. Une souris qui siffle pour arrêter une avalanche ! L’avalanche est venue, a tout enseveli, la souris a fini de siffler (p.215).»

L’auteure, née à Berlin, fut contrainte à l’exil. Elle voyagea alors avec son amant, Joseph Roth, avant de revenir clandestinement en Allemagne en 1939, en faisant croire à son suicide pour vivre cachée sous une fausse identité à Cologne, puis fut oubliée.

Ce roman initialement publié en 1939 chez Stock vient de reparaître dans la collection « Vintage » chez Belfond.

Notation :

C’est moi qui éteins les lumières de Zoyâ Pirzâd

Résumé :

Dans un quartier préservé d’Abadan, Clarisse, l’épouse et mère de famille à travers qui l’histoire se déploie, est une femme d’une profonde humanité, intelligente, d’une simplicité de cœur qui nous la rend spontanément attachante. Par ses yeux, on observe le petit cercle qui se presse autour du foyer : un mari ingénieur à la raffinerie, fervent de jeu d’échecs et de politique, les deux filles, adorables et malicieuses jumelles, Armène, le fils vénéré en pleine crise d’adolescence, et la vieille mère enfin qui règne sur la mémoire familiale.

Pourtant la très modeste Clarisse, cuisinière éprouvée qui se dévoue sans compter pour les siens, va bientôt révéler sa nature de personnage tchekhovien, au romanesque d’autant plus désarmant qu’il se montre on ne peut plus retenu. De nouveaux voisins se manifestent en effet, une famille arménienne débarquée de Téhéran qui va très vite bouleverser l’équilibre affectif de notre femme invisible.

L’auteur :

Romancière, nouvelliste hors pair, Zoyâ Pirzâd, née à Abadan d’un père iranien d’origine russe et d’une mère arménienne, fait partie de ces auteurs iraniens majeurs qui ouvrent sur le monde l’écriture persane sans rien céder de leur singularité. Découverte par les éditions Zulma en 2007, elle a reçu en 2009, pour le « Goût âpre des kakis« , le Prix Courrier International du meilleur livre étranger. « C’est moi qui éteins les lumières« , immense succès en Iran, salué par de nombreux prix, dresse avec justesse et drôlerie le portrait d’une société patriarcale scellée par les usages et traditions des femmes.

Mon avis :

Une auteure que j’affectionne particulièrement. Cette histoire, son premier roman est superbe. Envoûtant et sensible, il retrace l’histoire d’une famille arménienne en Iran. Clarisse, l’héroïne, mère au foyer élève ses 3 enfants et s’occupe de sa maison. Bon petit soldat, elle veille au bienêtre de tous ses proches. Sa vie est partagée entre le rangement de sa maison, la cuisine et l’éducation des enfants : une parfaite femme au foyer. Son mari ingénieur, après le dîner et la télé le soir lui demande : c’est toi qui éteins les lumières ?

Les deux autres personnages proches de Clarisse sont sa mère, envahissante et autoritaire et sa sœur qui cherche l’homme idéal. A l’arrivée de nouveaux voisins, cette mécanique bien huilée va s’enrayer.

Le fils de Clarisse tombe amoureux de la petite voisine et Clarisse va s’intéresser au père de la petite voisine. Sa vie bouleversée, l’amène à se poser des questions sur sa vie, ses aspirations et donc à s’opposer à son mari. Un climat très bien rendu, des personnages attachants et une histoire tout en douceur .

Une auteure sensible qui nous dépeint si bien le quotidien de ses personnages qu’ils nous deviennent très proches.

J’ai vécu avec Clarisse et sa famille, partagé ses agacements vis à vis de son mari, sa mère et sa sœur , souri des mots de ses filles et réfléchi sur sa condition de femme.

Son investissement dans la vie de famille l’étouffe par moment. Pourquoi ne pense-t-on pas plus à moi ? Personne ne me demande ce que je pense ?

La littérature et l’amitié d’Emile l’aideront à se sentir exister mais c’est difficile pour une âme sensible et idéaliste comme Clarisse.

Un très beau livre que je recommande chaleureusement pour l’ambiance, l’écriture fluide et l’histoire.

Un grand merci aux éditions Zulma et à Libfly

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Notation :

Salon du livre au format poche

Ce week-end se tenait le sixième salon international du livre au format poche à Saint-Maur-Des-Fossés.
De belles rencontres avec des auteurs, j’ai dialogué avec Frédérique Deghelt, Valérie Tong Cuong et Marie Sabine Roger.160 écrivains y étaient présents avec Line Renaud et Jean d’Ormesson en parrains.

Mes achats:

Le voyage de Nina de Frédérique Deghelt paru au Livre de Poche en mai 2014.wpid-Photo-20140622200654.jpg

J’ai lu plusieurs de ses livres dont le précédent « les brumes de l’apparence » avec beaucoup de plaisir à chaque lecture.

L’avis de Frédérique Franco de la Librairie Le Goût des mots, Mortagne-au-Perche (61400)

Le Voyage de Nina – Frédérique Deghelt
Page après page, Frédérique Deghelt nous fait entendre la voix de Nina avec beaucoup d’émotion et de sensibilité. On partage ses pensées et ses doutes, on est véritablement avec elle. Et quand on referme le livre, Nina existe vraiment et on a très envie de la rencontrer !

Le site de l’auteure

 

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L’ardoise magique de Valérie Tong Cuong

Je l’ai découverte avec « Providence » puis j’ai lu « L’atelier des miracles », des livres qui m’ont ravie.

Le site de l’auteure

 

 

–Bon rétablissement de Marie-Sabine Roger

 

j’avais beaucoup aimé « La tête en friche » , voila pourquoi j’ai aussi acheté et fait dédicacéwpid-Photo-20140622200654.jpg
ce roman.

Bon rétablissement sortira au cinéma en septembre 2014 adapté, comme La tête en friche, par Jean Becker.

 

 

 

Les suprêmes de Edward Kelsey Moore

Résumé :

Elles se sont rencontrées à la fin des années 1960 et ne se sont plus quittées depuis : tout le monde les appelle “les Suprêmes”, en référence au célèbre groupe de chanteuses des seventies. Complices dans le bonheur comme dans l’adversité, ces trois irrésistibles quinquas afro-américaines aussi puissantes que fragiles ont, depuis leur adolescence, fait de l’un des restaurants de leur petite ville de l’Indiana longtemps marquée par la ségrégation leur quartier général où, tous les dimanches, entre commérages et confidences, rire et larmes, elles se gavent de nourritures diététiquement incorrectes tout en élaborant leurs stratégies de survie.

L’auteur :

Edward Kelsey Moore est un écrivain et un musicien professionnel.

Il est titulaire d’un Bachelor of Music de l’Université de l’Indiana et d’un Master of Music de l’Université d’État de New York à Stony Brook.

Élevé au bon grain du Midwest, dans l’Indiana avant de s’installer à Chicago, il a pris le temps de s’imposer comme violoncelliste avant de se lancer dans l’écriture.

Les Suprêmes (The Supremes at Earl’s All-you-can-eat, 2013) est son premier roman.

Mon avis :

Un magnifique roman sur l’amitié féminine.

Les trois héroïnes se sont connues à l’adolescence et sont amies depuis quarante ans. Odette, Clarice et Barbara Jean sont différentes mais complémentaires. Leur rendez-vous dominical, déjeuner buffet chez Big Earl, avec mari et enfants est incontournable.

Chacune mène sa vie avec plus ou moins de chance. Leur vie n’est pas simple : ce sont des femmes, elles sont noires et vivent en Indiana. Mais ensemble, elles sont fortes face à l’adversité. Barbara Jean, riche après un beau mariage est la plus secouée par l’existence. Clarice souffre des infidélités de son mari et Odette a des soucis. Attention, ce n’est qu’une partie de l’histoire, l’essentiel étant plutôt dans leur réaction face aux malheurs.

Odette m’a impressionnée par sa force de caractère et sa générosité, l’histoire avançant, un événement tragique va modifier leur vie à toutes les trois, renforçant encore leur amitié indéfectible.

Quelle belle leçon de vie et de bonheur.

Les personnages sont fouillés et criants de vérité,ce qui est d’autant plus étonnant que l’auteur, un homme, a parfaitement traduit les sentiments et émotions féminines.

Chapeau bas !

C’est un livre qui fait du bien et donne envie de cultiver l’optimisme.

On ressort réconforté par cette lecture, on passe si facilement des rires aux larmes.

Heureusement, les rires l’emportent sur la tristesse.

Et on se dit : vive l’amitié !

Émouvant et attendrissant, une ode à la vie à lire, relire et offrir à toutes ses amies.

Un extrait : « Cela faisait presque quarante ans – depuis le temps où l’on avait commencé à les surnommer « les Suprêmes » – que Clarice et ses amies se retrouvaient Chez Earl à cette même table devant la baie vitrée. A l’époque, Little Earl avait un béguin monstre pour chacune d’entre elles, et il avait tout fait pour les séduire en leur offrant des Coca et du poulet frit à volonté. »

 

Notation :

Mata Hari de Anne Bragance

Résumé :

Mata Hari, la fameuse danseuse-espionne, brisa bien des cœurs et fit couler beaucoup d’encre. Mais qui se cache vraiment derrière les voiles de cette Shéhérazade des nuits parisiennes que perdit sa passion pour les officiers en uniforme et à galons dorés ?

L’auteur :

Anne Bragance a grandi à Casablanca dans un milieu cosmopolite où se mélangeaient le français, l’espagnol, l’italien et l’arabe. Elle arrive en France, à Paris à l’âge de 16 ans, y apprend le français et se consacre à l’écriture. À vingt-huit ans elle écrit son premier roman : « Tous les désespoirs vous sont permis ».

Mon avis :

Un titre qui est une réédition, initialement publié en 1996 et épuisé.

Roman ou biographie : plus exactement une biographie romancée.

L’histoire de Mata Hari démarre dès son enfance. Née en Hollande, choyée par un père mythomane, elle est élevée dans un monde truffé de mensonges. Son père se dit baron et l’envoie dans une école prestigieuse pour que sa fille côtoie des jeunes filles riches et puisse faire un riche mariage.

La jeune fille, éblouie par le faste de la vie de ses compagnes cherche le beau parti qui la fera évoluer et sortir d’un milieu pauvre. Très séduisante, elle conquit un officier de la marine beaucoup plus âgé qu’elle. La suite : un mariage malheureux et le départ vers Java où elle découvrira les coutumes de ce pays.

Plus tard, la danse javanaise lui donnera l’idée de son personnage de Mata Hari.

sa capacité à rebondir lui permet de survivre mais à quel prix !

Mata Hari, femme très libre et provocatrice nous interroge sur la place de la femme en ce début de vingtième siècle. Son mari est violent, la considère mal et la prive de toute subside lorsqu’ils se séparent. Comment vivre quand on est une jeune femme seule sans fortune personnelle ?

Sa vie est un enchainement d’évènements plutôt tragiques : perte d’enfants et misère; sa force réside dans son caractère fort et ses capacités à rebondir.

Mata Hari a construit son personnage pour se libérer de la misère et profiter de ses charmes. Tout lui réussit à partir de là et la célébrité sera au rendez-vous.

On apprend beaucoup avec ce livre à la fois sur ce personnage mythique et sur ce début de vingtième siècle.

J’ai apprécié le déroulé du livre : la présentation de son enfance, ses aspirations et sa chute.

Cependant, l’écriture est plate et le lecteur n’est pas assez tenu en haleine. Cela vient peut être aussi du côté romancé, trop à mon goût qui finit par nuire à l’intérêt de l’histoire.

D’ailleurs peut-on appeler cet ouvrage une biographie ? N’est-ce pas plutôt un roman ?

Plutôt une déception globalement.

Un extrait d’une interview de l’auteur : « C’était un ouvrage de commande : l’éditeur avait demandé à quelques romancières de choisir une femme célèbre du passé et de relater sa vie… J’ai choisi Mata Hari dont je ne savais pas grand-chose à l’époque, sinon ce que tout le monde en connaissait. J’ai donc fait des recherches et découvert une femme complexe, trahie par sa mythomanie, sa frivolité et sa naïveté. Je suis persuadée aujourd’hui qu’elle n’a pas espionné pour l’Allemagne, crime pour lequel elle est passée en conseil de guerre et a été fusillée en octobre 1917 par les Français. Elle avait 41 ans ».

L’éditeur Belfond a réussi une couverture magnifique avec une photo de l’héroïne en noir et blanc qui illustre sa beauté et son mystère.

Je conseille cet ouvrage pour la découverte du personnage et la plongée dans cette période troublée avec un bémol pour les amateurs de littérature qui recherchent une belle plume.

Merci Chroniques de la rentrée littéraire et Belfond.

 

 

Notation :