Des pages et des îles

Imbolo Mbue : Voici venir les rêveurs

Voici venir les rêveurs
Voici venir les rêveurs

Résumé : L’Amérique, Jende Jonga en a rêvé. Pour lui, pour son épouse Neni et pour leur fils Liomi. Quitter le Cameroun, changer de vie, devenir quelqu’un. Obtenir la Green Card, devenir de vrais Américains. Ce rêve, Jende le touche du doigt en décrochant un job inespéré : chauffeur pour Clark Edwards, riche banquier à la Lehman Brothers. Au fil des trajets, entre le clandestin de Harlem et le big boss qui partage son temps entre l’Upper East Side et les Hamptons va se nouer une complicité faite de pudeur et de non-dits.

L’auteur :

Née en 1982, Imbolo Mbue a quitté Limbé, au Cameroun, en 1998 pour faire ses études aux États-Unis. Elle a grandi en lisant les grands auteurs africains : Chinua Achebe, Ngugi wa Thiong’o, mais c’est chez Toni Morrison et Gabriel García Márquez que sa sensation d’être écartelée entre deux cultures a trouvé un écho. S’inscrivant dans la lignée d’Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie ou du Ravissement des innocents de Taiye Selasi, Voici venir les rêveurs, son premier roman, a fait l’objet d’enchères effrénées auprès des plus grands éditeurs américains. Imbolo Mbue vit à Manhattan.

 

Mon avis :

Un livre auquel on s’attache énormément : beaucoup d’empathie pour les personnages.

Un gros coup de cœur pour ce beau roman plein de tendresse et d’émotion.

Revenons à l’histoire : Jende, camerounais d’origine, vient de décrocher un poste de chauffeur chez Lehman Brothers. Il se retrouve à conduire une grosse voiture et entend des conversations entre des patrons de cette firme. L’histoire se situe en 2007, juste avant la crise.

Les deux familles, celle de Jende et celle de Clark le patron vont se croiser et se fréquenter. Alors que Jende vit à Harlem avec sa femme et son fils dans un petit appartement rempli de cafards, Clark vit au centre de New York dans un appartement magnifique avec femme et enfants. Quand ils partent en vacances, Neni, la femme de Jende leur set de baby-sitter. Elle suit des études de pharmacienne et peine à décrocher une bourse. Il faut dire aussi que Jende est en situation irrégulière et n’a pas de papiers. Tout est difficile pour eux alors que le monde de Clark va s’écrouler avec la faillite de Lehman.

L’histoire ne se déroulera pas comme on peut l’imaginer, la vie de chacune de ces deux familles sera bouleversée. Personne ne sortira indemne.

J’ai aimé les personnages, notamment ceux des deux femmes que tout oppose, la camerounaise Neni et Cindy l’épouse de Clark qui cherche du réconfort dans l’alcool.

Sans plus dévoiler le contenu du livre, sachez que Jende et Neni vont influencer durablement la vie de leurs patrons.

Le style enlevé, rempli de dialogues et d’expressions locales, rend la lecture très fluide.

J’ai vibré avec Jende, Neni, Clark et Cindy : allez-y, c’est un livre à découvrir absolument.

 

Lu pour le jury des lectrices ELLE 2017.

 

 

Notation :

J.J. Murphy : Le cercle des plumes assassines

Le cercle des plumes assassines

 

Résumé :

Critique, nouvelliste, poète, et plus tard scénariste, Dorothy Parker fut l’un des piliers de la célèbre Table Ronde de l’hôtel Algonquin, où déjeunaient ensemble les esprits les plus caustiques de New York. Dans ce roman qui nous fait revivre les années 20, elle se retrouve malgré elle au centre d’une enquête criminelle. Un matin, elle découvre, sous la table habituelle du cercle d’amis, un inconnu poignardé en plein cœur. Pour compliquer l’affaire, un jeune outsider, venu du Sud, un certain William (« Billy ») Faulkner, qui rêve de devenir écrivain, apporte un témoignage troublant. Il prétend avoir eu un furtif aperçu du tueur…

 

L’auteur :

Depuis longtemps fan de Dorothy Parker, J.J. Murphy a publié trois romans dans une série sur le « cercle vicieux » de l’hôtel Algonquin, dont le premier (Le cercle des plumes assassines) et le troisième ont été nominés pour le prestigieux prix Agatha (de littérature policière). Sa devise, en citant les membres du groupe, est : « Ne jamais permettre à la Vérité de vous empêcher de raconter une bonne histoire »

 

Mon avis :

Un livre réjouissant qui nous embarque dans les années 20 aux côtés de Dorothy Parker.

Bien sûr ce livre est classifié « policier », l’enquête étant plutôt un prétexte pour nous confronter au monde des écrivains de cette époque.

Faulkner débute et Dorothy l’épaule touchée par ce jeune écrivain.

Comme c’est un roman policier, un cadavre apparaît dès les premières pages, découvert par Dorothy. S’en suit une enquête débridée où l’on croise écrivains, gangsters, stars de cinéma et policiers dans un contexte économique compliqué à l’époque de la prohibition. Pourtant on boit beaucoup !

L’auteur mélange personnages réels et fictifs pour rendre une ambiance très réaliste.

De l’humour, beaucoup de dialogues et de fantaisie qui rendent la lecture très fluide.

Vif et enlevé, un roman policier joyeux qui donne envie de se plonger dans un texte de Dorothy Parker.

Dans ma pile, le nouveau livre de cet auteur : « L’affaire de la belle évaporée » grâce à Lp Conseils et aux éditions Baker Street.

 

Merci aux éditions Folio pour cette découverte.

 

Notation :

Clara Beaudoux : Madeleine Project

Madeleine Project
Madeleine Project

Résumé : Elle s’appelait Madeleine, elle aurait eu 100 ans en 2015. Je m’appelle Clara, j’ai 31 ans. Nous ne nous sommes jamais connues pourtant nous partageons le même appartement, ou du moins l’avons-nous partagé à différentes époques. Madeleine y avait vécu vingt ans. Elle est morte un an avant que je ne m’y installe, l’appartement avait été entre-temps refait à neuf. Interstice préservé de l’oubli, la cave avait été abandonnée en l’état. J’y ai découvert, après en avoir scié le verrou, rangée, empaquetée dans des cartons, la vie de Madeleine, objets, photographies, lettres.

 

L’auteur :

Clara Beaudoux est journaliste, travaille à France Info et a entamé depuis 2015 une démarche documentaire.

 

Mon avis :

Avant cette lecture, je n’aurai jamais cru qu’un ensemble de tweet pourrait devenir un livre.

Pari gagné pourtant : j’ai accroché à ce document que j’ai dévoré presque d’une traite.

Clara, journaliste, habite l’appartement occupé précédemment par Madeleine qui aurait eu 100 ans un peu après. Dans la cave, Madeleine a entassé beaucoup de choses que Clara va exhumer petit à petit. En même temps, nous découvrons son histoire avec beaucoup d’émotions.

Une vie bien remplie, Madeleine est une femme libre et généreuse. Ses voisins témoignent et racontent à Clara, cela ressemble à une enquête et on se pose des questions comme : qui est Loulou ?

À la recherche du temps passé, Clara construit un document en deux parties : la liste des effets trouvés puis les interviews des proches de Madeleine. Sa vie défile sous nos yeux.

Bien que perplexe au départ, j’avoue avoir été conquise par ce document qui m’a accrochée et moi aussi je voulais en savoir plus sur Madeleine.

Un document sensible et émouvant que j’ai pris du plaisir à découvrir.
À découvrir, je vous le conseille.

 

Lu pour le jury des lectrices ELLE 2017.

Notation :

Akimitsu TAKAGI : Irezumi

Irezumi
Irezumi

Résumé : Tokyo, été 1947. Dans une salle de bains fermée à clef, on retrouve les membres d’une femme assassinée. Son buste – lequel était recouvert d’un magnifique irezumi, ce célèbre tatouage intégral pratiqué par les yakuzas qui transforme tout corps en œuvre d’art vivante – a disparu. Le cadavre est découvert par deux admirateurs de la victime : un professeur collectionneur de peaux tatouées et le naïf et amoureux Kenzô Matsushita.

L’auteur :

Auteur japonais de romans policiers, né en 1920 et mort en 1995.

Mon avis :

Un formidable polar japonais parfaitement réalisé qui nous emporte dans le Japon de l’après-guerre.
« Irezumi » désigne un tatouage traditionnel au Japon, tatouage qui recouvre une grande partie du corps.

Ce roman nous entraîne dans ce monde de passionné de tatouage qui organise des concours pour élire le plus beau : le tatoué étant obligé de se déshabiller pour montrer l’œuvre. C’est ainsi que nous faisons connaissance avec une des héroïnes, fille d’un grand tatoueur, qui a un magnifique spécimen sur le dos. Tellement beau qu’il attire bien des convoitises.

Un collectionneur de peaux tatouées l’a repérée mais il n’est pas le seul. Les événements dramatiques vont d’enchaîner.

À la fois machiavélique et diabolique, c’est davantage l’ambiance du Japon de l’après guerre qui m’a intéressée. L’énigme policière est intéressante bien que classique.
J’ai apprécié le style et le contenu riche d’enseignements sur cette période troublée pour les japonais.

Un classique paru en 1948 au Japon et enfin édité en France.
Mention spéciale pour la couverture magnifique.
Merci aux éditions Denoël.

Trad. du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon

Parution le 3/10/2016 aux éditions Denoël

Notation :

Guinevere Glasfurd : Les mots entre mes mains

Résumé : Helena Jans van der Strom n’est pas une servante comme les autres. Quand elle arrive à Amsterdam pour travailler chez un libraire anglais, la jeune femme, fascinée par les mots, a appris seule à lire et à écrire. Son indépendance et sa soif de savoir trouveront des échos dans le coeur et l’esprit du philosophe René Descartes. Mais dans ce XVIIe siècle d’ombres et de lumières, leur liaison pourrait les perdre. Descartes est catholique, Helena protestante. Il est philosophe, elle est servante. Quel peut être leur avenir ?

Les mots entre mes mains
Les mots entre mes mains

 L’auteur :

Guinevere Glasfurd vit dans les Fens, près de Cambridge. Auteur de nouvelles remarquées, elle a obtenu une bourse du Arts Council England pour l’écriture des Mots entre mes mains, son premier roman.

 

Mon avis :

Une fresque historique remarquable, délicate et sensible.

Envie de découvrir le quotidien à Amsterdam au 16 ème siècle ?

Amateur de roman historique ?

Si vous répondez oui aux deux questions, précipitez-vous.

J’ai aimé croiser la route d’Héléna, jeune servante passionnée par l’écriture au point d’écrire sur son corps pour perfectionner le dessin des lettres.

On déambule avec elle dans les rues d’Amsterdam pour se retrouver dans la maison du libraire qui emploie Helena et accueille le philosophe Descartes. Entre ces deux êtres que tout sépare, se tisse une passion, assumée par le grand auteur. Dans ce siècle où les femmes n’existent qu’au travers le regard des hommes, le courage d’Helena nous bluffe. Libre et indépendante, elle a soif de connaissances et Descartes est subjugué.

Pour ce premier roman, l’auteure s’est inspirée d’une histoire vraie qu’elle parvient à nous rendre vivante et enthousiasmante.

Le style fluide et léger, tout en délicatesse émeut tout en gardant le lecteur accroché au récit.
Une belle découverte.

 

Merci aux éditions Préludes et aux Match de la rentrée littéraire 2016 avec Price Minister.

Notation :